Les Thanatonautes (Bernard Werber) : Interview exclusive de Bernard Werber

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vendredi 6 octobre 2017

Interview exclusive de Bernard Werber

Pour la collection "classique et Contemporain", Bernard Werber a accepté de répondre aux question de Stéphane Maltère, professeur de lettres.

Stéphane Maltère:  Comment définiriez vous cette branche de la littérature de l'imaginaire qu'est la science-fiction?
   Bernard Werber: L'homme a toujours voulu savoir ce qu'il y avait au-delà du ciel et au-delà des limites du monde connu. Si l'on devait chercher des origines de cette littérature, il faudrait remonter à Lucien de Samosate dans Histoire véritable un extraordinaire voyage dans l'espace. La science-fiction est la littérature du futur. Elle n'a pas de limite; elle permet donc d'aller plus loin que toutes les autres formes de récits.

S.M: Vous qualifieriez-vous d'auteur de science-fiction?
B.W: J'ai été nourri de science-fiction et la science-fiction m'a appris énormément. Cependant, dans mes livres , il n'y a aucun des repères habituels de la science-fiction: vaisseaux spatiaux, rayons lasers, extraterrestres vert avec des antennes, machines magique pour remonter le temps ou planète avec des royaumes hostiles. Mon domaine est plutôt celui de la prospective. Je prends une information scientifique peu connue (comme par exemple, la vraie communication olfactive avec les fourmis ou la parenté avec des porcs pour Le père de nos pères , ou les mécanismes du rire pour Le rire du Cyclope) et j'essaie de montrer en quoi cela peut changer notre vision du monde. Pour moi, la vraie science-fiction ne réside as dans l'amélioration des technologies, mais dans le changement des mentalités. Mes livres posent des questions anciennes qui sont censées trouver de nouvelles réponses. C'est pourquoi je préfère le terme de "philosophie-fiction".
S.M: Quels sont vos premiers souvenirs de lecteur de science-fiction?
B.W: Les Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe m'ont permis de comprendre qu'un bon récit est d'abord une sorte de jeu où l'on lance un défi à l'esprit du lecteur. Le lecteur doit changer de vision pour comprendre.

S.M: Quels récits de science-fiction vous ont le plus marqué? Quels auteurs de science-fiction sont pour vous incontournables?
B.W: Pour moi Isaac Asimov, avec son Cycle de fondation, est un excellent moyen pour comprendre la politique. Frank Herbert, avec son Cycle de Dune permet de saisir la complexité des enjeux autour de la religion et de l'écologie, Philip K. Dick est la meilleur initiation à la philosophie et à la psychiatrie.

   S.M: Comment en êtes vous arrivé à écrire des récits de science-fiction, ou de "philosophie-fiction"?
B.W: Ma première nouvelle était Histoire d'une puce, que j'ai rédigée alors que j'étais âgé de 8 ans, pour une rédaction libre à l'école. Cette histoire ayant remporté un certain succès dans ma classe et parmi les professeurs, j'ai ensuite continué à essayer de parler de l'homme au travers de points de vue non humains. Après les puces, je suis naturellement passé, à 16 ans, à l'écriture du point de vue des fourmis. Celles-ci avaient l'avantage sur les puces de vivre en société et de construire de grandes villes. Tous mes livres parlent de la place de l'homme dans la nature et de son évolution dans l'histoire, en utilisant des points de vues exotiques ( dans Le Cycle des dieux, par exemple, c'est le point de vue des dieux de l'Olympe; dans L'ami silencieux, c'est le point de vue d'un vieil arbre).

S.M: Quelles qualités de romancier ou de nouvelliste faut-il pour être un bon auteur de science-fiction?
B.W: Je pense que pour faire un bon auteur de science-fiction, il faut déjà être capable de ne pas être dépassé par la liberté vertigineuse qu'offre cette littérature. Précisément parce que tout est possible, il faut établir une documentation scientifique sérieuse et être rigoureux pour ne pas trop "délirer" et se laisser emporter par son récit.

S.M: Le roman est-il le meilleur moyen d'écrire les "Progrès et rêves scientifiques"?
B.W: La science-fiction présente en effet cet avantage d'autoriser toutes les audaces scientifiques qui ne sont pas encore réalisées dans les laboratoires. D'ailleurs beaucoup de scientifiques utilisent les récits de science-fiction pour s'inspirer ! Steve Jobs a ainsi révélé qu'il a eu l'idée de l'IPhone en s'inspirant des téléphones de la série de science-fiction Star Trek.

S.M: Quelles sont les difficultés ou les limites liées, selon vous au genre de la science-fiction?
B.W: Un bon roman de science-fiction doit être un roman qui donne à réfléchir. Pour cela, il ne doit pas être trop irréaliste et il doit avoir une structure de récit vraisemblable. Plus on introduit dans le roman des éléments réels, plus l'impact sera fort.

S.M: Pouvez vous nous parler du projet L'Arbre des possible, que vous avez initié en 2002?
B.W: En 2002, je publiais un roman, L'Arbre des possibles, qui contenait une nouvelle dans laquelle j'imaginais que l'on pouvait prévoir tous les futurs possibles en les posant comme des feuilles sur l'arbre du futur et en observant leur probabilité. Suite à ce récit, j'ai crée un site (www.arbredespossibles.com), où je propose à tous ceux qui le veulent d'imaginer l'avenir et d'en faire un court texte, que j'introduis comme une feuille qui peuvent poser sur les branches de l'arbre du site. Ensuite, le webmaster les organise en idée de futur pour le court, le moyen ou le long terme. Actuellement, le site a 3 millions de visiteurs et 10 000 scénarios inscrits dans l'arbre ! Plus de 60% sont optimistes. Normalement, ce qui se trouve dans le futur doit se trouver inscrit quelque part sur l'une de ces feuilles...

Extrait de  Bernard Werber présente 20 récits d'anticipation et de science-fiction, édition Magnard, 2016. 

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