Les Thanatonautes (Bernard Werber) : 69 – LU DANS LA PRESSE

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mardi 27 janvier 2015

69 – LU DANS LA PRESSE

SCANDALE : LE PRÉSIDENT LUCINDER SACRIFIE DES PRISONNIERS DE DROIT COMMUN POUR DE PRÉTENDUES EXPÉRIENCES SCIENTIFIQUES.

Il nous a fallu de longues investigations pour nous convaincre que le président Lucinder n’était autre que l’un des plus grands criminels de notre temps. Plus pervers qu’un Landru ou qu’un Petiot, le président Lucinder, notre chef d’État, l’élu d’une majorité des Français, a assassiné de sang-froid des hommes qu’il ne connaissait même pas.
Ses victimes : des détenus de droit commun qui ne demandaient qu’à purger leur peine en toute sérénité. Son prétexte ou plutôt son mobile, comme on voudra : l’étude de la mort ! Car, en effet, notre président de la République chérit un hobby particulier : non pas le golf, la cuisine au beurre ou la numismatique, mais la mort !
Assisté de quelques complices liés à sa cause, le ministre de la Recherche Mercassier, le professeur Raoul Razorbak, biologiste fou, le docteur Michael Pinson, médecin-anesthésiste véreux, Amandine Ballus, infirmière arriviste, le Président tuait à tour de bras.
On estime à cent vingt-trois le nombre de prisonniers déjà passés à trépas grâce aux bons soins de ce « commando de la mort programmée » et ce, rien que pour satisfaire la morbide curiosité d’un chef d’État despote.
On se croirait revenu à ces temps barbares où des empereurs romains avaient droit de vie et de mort sur d’impuissants esclaves. Certains faisaient tuer les uns après les autres des quidams pris au hasard pour voir si la tunique de Jésus-Christ arrivait à les ressusciter.
Cependant, de nos jours il n’y a plus d’empereur (même si Lucinder se prend parfois pour un César !), il n’y a plus d’esclaves. Du moins le pensions-nous jusqu’à aujourd’hui. Nous étions convaincus d’être dirigés par un président démocratiquement élu par ses concitoyens. Un président qui a pour premier devoir de veiller à la bonne santé de ses administrés et non de les occire !
À peine le directeur de la prison de Fleury-Mérogis, révolté par tous ces cadavres s’accumulant chaque jour dans ses caves, avait-il révélé la terrible vérité en exclusivité à notre rédaction, l’opposition s’est empressée de réclamer la levée de l’immunité présidentielle. Le Parlement a aussitôt désigné une commission d’enquête pour vérifier les faits.
La plupart des ministres interrogés refusent de se rendre à l’évidence mais certains annoncent déjà qu’au cas où la commission apporterait la preuve de ces meurtres en série, ils proposeront aussitôt leur démission.
Pour sa part, le ministre Mercassier n’a pas attendu les résultats de ce supplément d’information pour s’enfuir en Australie avec sa femme et échapper ainsi à toute poursuite judiciaire.

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