Les Thanatonautes (Bernard Werber) : 167 – PERTES

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vendredi 30 janvier 2015

167 – PERTES

Raoul avait dessiné la galaxie en plaçant en son centre une sorte de bouche d’évier en trompette. Le Continent Ultime. Ce qu’il y avait de plaisant dans cet emplacement, c’est qu’il répondait au besoin naturel qu’ont toujours eu les humains de connaître le centre du monde. Successivement, ils ont cru qu’il s’agissait d’une ville, puis d’un pays, puis de la Terre, puis du Soleil. Nous savions désormais que le système n’était qu’une broutille, à la périphérie d’une immense galaxie, laquelle avait pour centre un aspirateur broyeur de tout et même d’âmes.
Dieu logeait-il là ? Y avait-il ainsi des dieux tapis au centre des millions de galaxies qui forment l’Univers ? Rien que d’y penser me donnait le vertige. Quel casse-tête !
Le président Lucinder vint inspecter le nouvel agencement de notre thanatodrome. Nous disposions désormais de huit fauteuils d’envol, un pour Stefania, les autres pour Meyer et ses disciples.
Plaçant l’Assemblée nationale devant l’étendue de nos percées sur le Continent Ultime, le chef de l’État avait réussi à débloquer un véritable budget de guerre pour la thanatonautique. Il n’aurait plus à jongler entre caisse noire et Anciens Combattants et nous pourrions acquérir une antenne radio-astronomique d’un format gigantesque. Ainsi, nous pourrions enfin voir nombre d’âmes en partance pour l’au-delà et pas seulement les ectoplasmes de nos compagnons.
Curieux, Lucinder demanda ensuite à assister à un envol groupé. Freddy dessina pour lui la figure que sa bande effectuerait là-haut. Le Président remarqua qu’elle ressemblait à une ronde de parachutistes se tenant par la jambe. Freddy en convint, précisant toutefois qu’il fallait en plus veiller à bien tresser les cordons ombilicaux.

- Vous devriez venir avec nous, Président.


- Merci bien, répondit notre protecteur. J’y suis déjà allé une fois mais je crois être plus utile à la cause de la thanatonautique en étant chef d’État plutôt qu’ectoplasme.

L’équipe prit place dans les bulles de protection. Tous en position du lotus et vêtus de leur uniforme blanc, ils étaient assez impressionnants.

- Six… cinq… quatre… trois… deux… un. Décollage !

Huit slash crépitèrent les uns après les autres dans le récepteur radio. Stefania était partie la première. Normal, elle serait là-haut en tête de l’échafaudage.
Je déclenchai mon chronomètre, plaçai les minuteries de secours sur « coma plus cinquante minutes », puis, grâce à notre antenne parabolique, nous suivîmes le trajet de notre commando d’âmes. Il y avait près d’une heure à attendre. D’humeur enjouée, Lucinder proposa une partie de cartes. Nous nous installâmes autour d’un guéridon pour un gin-rummy, tout en lorgnant de temps à autre vers les écrans de contrôle.
Raoul fut le premier à jaillir de sa chaise, la renversant presque.

- Un rabbin est mort ! s’exclama-t-il.


- Quoi ! Comment ? s’effara Lucinder.

Je découvris avec affolement que l’électrocardiogramme et l’électrœncéphalogramme d’un des membres de la yeshiva de Strasbourg étaient plats.

- Il a dû se produire une catastrophe, là-haut !


- Ils auraient passé le quatrième mur pour chuter dans un monde infernal ?

Je secouai la tête.

- Impossible. Il n’est que « coma plus vingt-sept minutes ». Ils sont encore dans le deuxième territoire, le pays noir.

Je me précipitai sur tous les instruments de contrôle. Tous les corps charnels étaient nerveux. Quel drame connaissaient-ils, là-bas ? Amandine tâta le pouls des sept survivants. Elle frémit. Un second rabbin nous avait quittés !

- Je n’y comprends rien, fit-elle, se tordant les mains. Ils ont déjà traversé maintes fois cette zone sans problèmes. Ils devaient bientôt tresser leurs cordons…

Dans le laboratoire, l’ambiance n’était plus qu’angoisse. Raoul était rivé au pouls de Stefania. Je me concentrai sur les récepteurs radio. C’était étrange. Il y avait abondance de signaux et ils ne correspondaient pas tous à ceux de nos amis. Étions-nous confrontés à des âmes parasites, des âmes pirates ? Quelque autorité supérieure aurait-elle décidé de couper la « route de l’au-delà » ?
Nous vérifierions ces assertions plus tard. Pour l’heure, il était urgent de limiter l’hécatombe et de ramener au plus vite nos amis avant que tous ne trépassent.
Ensemble, nous nous dépêchâmes de déclencher les minuteries. Six thanatonautes furieux ouvrirent successivement les yeux. Tous tremblaient de colère. Stefania semblait mimer encore une lutte.

- Que s’est-il passé ? Que s’est-il passé ?

Difficilement, elle prononça un nom :

- Les Haschischins !


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