Les Thanatonautes (Bernard Werber) : 156 – LE PARADIS, C’EST OÙ DÉJÀ ?

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vendredi 30 janvier 2015

156 – LE PARADIS, C’EST OÙ DÉJÀ ?

 

Stefania s’installa en position du lotus sur le trône d’envol. Elle savait qu’aujourd’hui le radiotélescope serait branché et que, pour la première fois, nous tenterions de suivre l’envol de son âme.
Je me demandais encore comment nous pourrions discerner quelque chose se déplaçant à la vitesse de la pensée.
Amandine régla les appareils de mesure physiologique. Raoul brancha son système de récepteur radio. Quant à Rose et moi, nous avions déployé sur une grande table le plan des constellations entourant la Terre.
Penser que l’une d’elles était peut-être le Paradis…
Était-ce un acte hérétique ? Dévoiler l’emplacement physique de l’au-delà, voilà qui ferait rager les religions. Elles rechignaient déjà à nous voir toucher à leur principal fonds de commerce !
Stefania abaissa les paupières, c’était sa manière de fermer les écoutilles avant la plongée.
Ses narines palpitèrent plus lentement.
Lorsqu’elle sentit que sa concentration était suffisante pour lui insuffler le calme indispensable au décollage, elle saisit la poire de l’interrupteur des boosters et sa bouche articula doucement :
  • Six… cinq… quatre… trois… deux… un. Décollage !
Le récepteur radio branché sur la fréquence de 86,4 kilohertz émit une sorte de plainte. Le son d’une « âme qui décolle » !
Dans la salle, la nervosité était telle que Rose me serra le bras fortement. La mort pouvait enfin être suivie à la trace, Raoul n’avait pas voulu convier la presse, mais il vérifia le bon fonctionnement de la caméra vidéo. Nous disposerions au moins d’un film de ce premier décollage suivi.
Nous attendîmes. Stefania filait à la vitesse de la pensée mais les ondes radio ne voyageaient pas aussi vite. Plus elle s’éloignait, plus nous les percevions avec retard. Au bout de huit minutes, nous obtînmes une émission précise permettant une bonne localisation dans l’espace.
C’était maintenant à moi de jouer. Je m’approchai de l’écran de contrôle du radiotélescope. On y captait bien le signal de l’âme de Stefania. Je réglai plusieurs molettes pour situer sa distance, sa direction, sa vitesse de progression. À côté de moi, Rose se livrait à ses propres observations.

- Ça y est. Moi aussi, j’ai le signal.

Elle s’empara de deux règles en plastique et les croisa dans la zone où elle avait repéré l’émission, la situant par rapport à l’axe polaire.

- Stefania fonce vers la Grande Ourse. Elle vient de dépasser Saturne. Elle va si vite qu’elle doit traverser des météorites.

Elle voyageait vraiment à la vitesse de la pensée. Cent fois plus vite que la vitesse de la lumière !

- Où est-elle maintenant ?

Yeux rivés à l’écran, Raoul constata :

- On dirait qu’elle quitte le système solaire.

Rose fût encore plus précise :
- Elle a doublé Uranus. Elle…


- Que se passe-t-il ?


- Elle va si vite !


- Où est-elle ?


- Elle vient de sortir de notre système solaire. Son signal nous parvient avec beaucoup de temps de retard désormais.


- Elle a quitté notre galaxie ?


- Non. Au contraire, elle paraît même foncer vers le centre de la Voie lactée.

- Le centre de la Voie lactée ? Mais qu’y a-t-il par là ?

Rose nous l’expliqua en traçant un dessin en forme de spirale.

- Notre galaxie est formée d’une masse de deux bras spirales d’un diamètre de cent mille années-lumière. Il y a de tout là-dedans : des planètes, des gaz, des satellites, des météorites. Notre galaxie compte cent milliards d’étoiles. Son âme a peut-être envie d’en visiter une en particulier…


- Que peut-elle y chercher ?

- Le Paradis, l’Enfer… Après tout, le système solaire n’est situé qu’à la périphérie extérieure d’un bras de la spirale de notre galaxie.

Tous, nous étions à l’écoute des instruments. Le moindre crépitement était une trace du fabuleux périple de notre amie.

- Où est-elle maintenant ? s’inquiéta Raoul.


- Elle file toujours vers le centre de notre galaxie.


- C’est-à-dire ?

Rose reprit ses règles, croisa plusieurs lignes.

- Elle se dirige vers la constellation du Sagittaire. Plus précisément, vers l’ouest de cet ensemble.

Le Paradis se situerait dans la constellation du Sagittaire ?
J’aidais Rose dans ses calculs.

- Par là. Elle a doublé cette étoile. Elle poursuit sur sa lancée.

- Elle est loin ?

- Assez, oui. À au moins cinquante milliards de kilomètres. À côté de l’âme de Stefania, toutes nos fusées et nos navettes spatiales se traînent vraiment comme des escargots.


- Où est-elle maintenant ?

- Elle va vers…


- Vers où ?

Rose considéra l’écran où toutes sortes de chiffres défilaient depuis quelques minutes.

- Elle a disparu. Le signal a disparu.


- Comment ça ? s’affola Raoul.


-Il n’y a plus d’émission.

D’angoisse, Rose lâcha ses règles qui tombèrent sur le sol avec un bruit mat, déroutant dans ce silence. Amandine, l’infirmière qui gardait son calme dans les moments les plus cruciaux, vérifia très professionnellement l’état physiologique de Stefania.

- Elle est toujours vivante, murmura-t-elle.


- Comment est-il possible que le signal se soit effacé ? Je croyais que des ondes si longues se déplaçaient très vite et sans limites dans l’univers, dis-je.


- C’est incompréhensible, reconnut Rose.

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